Maux par mots – Marie-Sophie Peytou
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jeudi 15 mai 2025 Films
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Olivier Hermanus 2022


Je voulais vous parler d’un très beau film sorti sur les écrans en 2022 et que j’ai découvert récemment. Je ne sais s’il a eu beaucoup de succès, car il est dépourvu de scènes spectaculaires et d’effets spéciaux en tous genres, et cependant, il mérite d’attirer un nombreux public tant il est profondément humain et juste. Le personnage principal, M Williams (joué par Bill Nighy) parvient à nous émouvoir, malgré son côté raide, absolument dénué de fantaisie. Il suscite peu à peu l’empathie, l’attendrissement et l’admiration, tout en demeurant pudique et réservé sur ses émotions.
Pour être tout à fait honnête, il m’a aussi intéressée à cause de sa dimension logothérapeutique, car il illustre de façon magnifique ce que peut être une vie pleine de sens, et comment il n’est jamais trop tard pour se poser cette question essentielle du sens de la vie.
M. Williams, fonctionnaire à la mairie de Londres, dans le service des travaux publics, est redouté par ses adjoints pour son absence totale d’humour et sa rigueur qui s’apparente à de la rigidité. Il semble avoir perdu toute capacité à être heureux depuis la mort de sa femme et ses relations avec son fils sont inexistantes. Il met un point d’honneur à ne jamais sortir de sa ligne de conduite : strict respect des horaires, souci de la bienséance et des codes sociaux (il veut être « un gentleman ») et manque d’intérêt pour tout ce qui pourrait le faire sortir de son confort professionnel. Il a l’air d’un mort-vivant (un zombie, ainsi que l’a surnommé une de ses subordonnées).
Cette vie mécanique aurait pu continuer tranquillement son cours sans un événement dramatique : son médecin lui apprend qu’il a un cancer et qu’il ne lui reste que 6 mois à vivre…Face à cet ultimatum, il éprouve une forme de désespoir muet et tragique ; il va passer par plusieurs étapes que je ne vous dévoilerai pas pour donner le désir d’aller voir ce film par vous-même. Petit à petit, il va apprendre (ou réapprendre) à vivre pleinement, et les six derniers mois de son existence seront les plus remplis et les plus jubilatoires de sa carrière.
Cette découverte de la dimension tragique de la vie ne va pas l’empêcher d’être heureux, bien au contraire ! La proximité de la mort donne à la vie une autre dimension, elle prend alors une valeur extraordinaire et donne envie de se dépasser pour ne pas en gaspiller la moindre parcelle. Se confronter à sa propre disparition suscite des interrogations sur la trace que chacun peut laisser en ce monde, et M. Williams ne se dérobera pas à cette interrogation. Sans doute pour l’une des premières fois de sa vie, il va sortir des sentiers battus et être attentif à sa vie intérieure. Il va découvrir qu’il n’est jamais trop tard pour faire usage de sa liberté et de sa responsabilité, pour mener à bien une tâche concrète que nul ne pourra accomplir à sa place. Ainsi, le spectateur pourra se dire qu’il a été pleinement vivant, jusqu’au bout, et même, qu’il a provoqué des mouvements et des questions après sa disparition…car la vie appelle la vie !
« Il est facile de tirer des larmes au public avec un certain type de matériau dramatique, sachant que les gens arrivent au cinéma tout disposés à pleurer. C’est en revanche plus ardu de susciter une réaction émotionnelle profonde lorsqu’on explore un sujet aussi complexe que la mortalité. Ici, la tristesse côtoie la joie, et ce personnage condamné triomphe à la fin, mais en solitaire : c’est doux-amer. Bref, émouvoir le public en lui présentant quelque chose de cet ordre, c’est compliqué. Mais quand on y arrive, et j’espère que nous y sommes arrivés, ça donne un film qu’on n’oublie pas, qui reste. » déclare Kazuo Ishiguro, l’auteur du scénario.
 
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